Rétrospective, du VIe s. au XXe s.
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Issoire garde le souvenir d'une origine gallo-romaine
Au VIe siècle, Grégoire de Tours désigne Issoire sous le nom d'Ysiodorum ou vicus Isiodorensis. Plusieurs objets datant de cette époque furent découverts dès 1780 : urnes antiques, monnaies gauloises et romaines, vases funéraires gallo-romains. Le nom de la ville s'est écrit pendant longtemps Yssoire. Le " Y " qui apparaît dans les armoiries en témoigne. C'est à partir de la révolution que l'orthographe moderne Issoire s'est imposée.
La fondation de l'abbaye de Saint-Austremoine
Grégoire de Tours rapporte que Stremonius (Saint-Austremoine), futur évêque de Clermont, serait venu évangéliser la Gaule au milieu du IIIe siècle et aurait fondé un monastère à Issoire. Au VIIIe siècle, les reliques de Saint-Austremoine sont transférées à Volvic, puis Mozac.
Au IXe siècle, l'incursion des Normands a contraint les moines bénédictins de l'abbaye de Charroux en Poitou à se réfugier sur leurs terres de Saint-Yvoine près d'Issoire.
Sous la conduite de leur chef Gilbert, ceux-ci fondent vers 938 dans la ville d'Issoire une abbaye consacrée à Saint-Pierre et Saint-Austremoine.
La construction des enceintes de la cité médiévale d'Issoire connaît des étapes successives. L'enceinte primitive daterait du Xe ou XIe siècle. L'essor du monastère se traduit notamment par la construction, au XIIe siècle, de l'église de Saint-Austremoine.
Cet édifice est la plus vaste des églises romanes auvergnates (60 mètres de long). Il appartient au groupe des édifices religieux d'Auvergne dits " majeurs ". L'église Saint-Paul, élevée à une dizaine de mètres à l'est de l'abbatiale Saint-Austremoine, se trouve déjà dans la première enceinte de la ville et serait alors une chapelle. À cette époque, les églises de Saint-Avit et Saint-Priest sont édifiées non loin.
Une seconde enceinte peut être déterminée. Aujourd’hui elle n’apparaît plus que dans le tracé des biefs qui traversent la ville. Elle englobe, en plus du quartier Saint-Austremoine, Saint-Avit au nord et l’actuelle place de la République à l’ouest. Au mois d’août 1254, Saint-Louis use de son droit de gîte au monastère d’Issoire en revenant de la Terre Sainte. Le Roi, voulant visiter l’Hôtel-Dieu, constate que celui-ci est en très mauvais état et se trouve en dehors de la ville. Il exige alors que l’Hôtel-Dieu soit transféré dans le secteur de l’actuelle rue de l’Ancien Hôpital, à l’intérieur des remparts.
En 1270, Alphonse de Poitiers accorde à la ville une charte communale.
Par cet acte la ville reçoit le privilège de s’organiser en commune c'est-à-dire en association jurée entre les habitants qui désignent deux consuls (le consulat), élus chargés d’administrer les affaires communales.
En 1304, Issoire est mentionnée comme étant une des « treize bonnes villes » du Bas Pays d’Auvergne qui ont le droit d’envoyer des représentants aux Etats Provinciaux.
Soumises au contrôle du Roi, ces bonnes villes sont riches, remplissent une fonction de chef-lieu et sont souvent caractérisées par leurs enceintes.
Au XVe siècle, les ultimes remparts sont construits, matérialisés en grande partie par les actuels boulevards de ceinture.
Ils sont probablement édifiés dans le cadre du mouvement d’enfermement et de fortifications que connaissent de nombreuses villes durant la guerre de Cent Ans (1337–1453).
Le XVe siècle est une période prospère pour la « bonne ville » d’Issoire.
En 1471, Louis XI lui accorde trois foires annuelles, les jeudis après l’Épiphanie et l’Ascension et le premier jeudi de septembre. Durant la période qui s’étend du XIIIe au XVIe siècle la ville médiévale va surtout se développer autour du monastère bénédictin.
Parmi les familles qui marquent Issoire dans son architecture il est nécessaire d’évoquer le rôle de la famille Bohier.
Appartenant à l’ancienne bourgeoisie d’Issoire, elle est connue dès 1280 et anoblie en 1490. L’ancienneté de cette implantation explique le vif attachement de cette famille à la cité. Ainsi, bien qu’Austremoine Bohier exerce de hautes fonctions (chambellan du roi puis intendant de ses finances) il n’oublie jamais sa ville natale. Dans la deuxième moitié du XVe siècle il y fait construire à ses frais la Tour de l’Horloge. Il établit également à Issoire la recette générale des finances et il pourvoit la ville de deux portes. Son frère Antoine, abbé du monastère y fait construire le cloître. Les fils d’Austremoine Bohier occupent tous d’importantes fonctions. Thomas a les mêmes dignités que son père et possède une immense fortune. Il fait construire le château de Chenonceau en Touraine et celui de Saint-Cirgue (à 10 km d’Issoire). Son frère Antoine devient archevêque de Bourges et abbé commendataire d’Issoire.
Des guerres de religion au XVIIIe siècle
À partir de 1540, le protestantisme prend de l’importance à Issoire où les guerres de religion sont particulièrement meurtrières.
Durant cette période, sous l’abbatiat de Louis Authier de Villemontée, le désordre s’installe dans le monastère. Le 15 octobre 1575, le capitaine huguenot Merle s’empare de la cité et la pille. La ville, bien que bénéficiant de fortifications (avec trois portes : au sud la porte du Pont, à l’est la porte du Ponteil, au nord la porte de la Berbiziale), est reprise le 1er juin 1577 par les troupes catholiques de l’armée royale, sous le commandement du duc d’Anjou, qui commettent à leur tour maintes exactions. Une légende évoque même une colonne placée sur les ruines de la ville avec les inscriptions : « Icy fust Yssoire ». C’est également durant cette période trouble des guerres de religion que la plupart des archives issoiriennes ont été détruites. La reconstruction de la ville débute à partir du 1er avril 1578.
Au XVIIe siècle, le rôle d’Issoire s’accroît. Malgré une épidémie de peste qui fait de nombreuses victimes en 1629, la cité se repeuple rapidement.
Sur le plan administratif, la même année, Issoire devient le siège d’une élection (circonscription financière relevant d’officiers de finances) qui comprend 135 paroisses et se compose d’un
président, d’un lieutenant, de deux élus et d’un procureur du roi. Le 24 février 1665, l’abbé Martial Chanut (1611–1695, abbé d’Issoire, aumônier de la reine Anne d’Autriche et visiteur général des Carmélites de France pendant trente ans, traducteur de nombreux ouvrages) introduit à Issoire la réforme de Saint- Maur contribuant à la prospérité du monastère. Ainsi, cette affiliation permet la rénovation des bâtiments conventuels. Issoire est constituée de deux paroisses, Saint-Avit (au nord de la ville) et Saint-Paul (au centre de la ville).
Au XVIIIe siècle, les fortifications sont abattues.
En 1700, l’abbé cède son titre de haut justicier de l’abbaye au roi Louis XIV qui installe une Prévôté royale à Issoire (constituée d’un lieutenant général, un lieutenant particulier, deux conseillers assesseurs, un procureur du roi, assistés d’un huissier et d’un greffier). Le monastère connaît de profonds troubles d’ordre moral et financier. Philippe Gabriel Dejuin de Siran sera le dernier abbé d’Issoire de 1783 à 1790.
Du point de vue administratif, un subdélégué représentant l’intendant (commissaire royal établi dans une généralité) est installé à Issoire à partir de 1720. Issoire est également le siège du contrôle des actes des notaires, d’un entrepôt du tabac et d’un service des postes.
La Révolution (1789 – 1799)
À la veille de la Révolution, la situation économique est mauvaise et la monarchie ne semble plus répondre ni aux aspirations, ni aux besoins des Issoiriens.
C’est ce que révèle le cahier du Tiers-Etat de la ville d’Issoire qui contient 26 articles revendiquant une « réorganisation générale du pays, une réforme de la société et une plus grande égalité ». La ville adhère donc aux idées de la Révolution.Sur le plan national, la création des communes et des municipalités, ainsi que leur organisation, sont votées en novembre et décembre 1789. Avec 5000 habitants, Issoire doit élire huit officiers municipaux, dix-huit notables et un procureur de la République. Les élections municipales sont organisées au cours du mois de janvier 1790.
Dès le 14 novembre 1789, les biens de l’Église sont mis à la disposition de la Nation et l’année suivante est consacrée aux rachats de ces biens.
En juin 1791, les deux anciennes paroisses sont réunies en une seule. Ainsi, l’abbatiale bénédictine Saint-Austremoine devient paroissiale. Les bâtiments conventuels sont vendus nationalement lors de la suppression du monastère : le logis de l’abbé devient Hôtel-de-ville, un collège de garçons s’installe dans les bâtiments claustraux. En 1791, l’hôpital, à la suite de la vente des biens du clergé, est transféré dans l’ancien couvent des capucins, route de Parentignat. En 1792, la ville contrôle presque la totalité des couvents. Parallèlement, la période qui s’étend de 1789 à 1792 est marquée par d’importantes difficultés économiques et politiques.
Le roi est exécuté le 21 janvier 1793. Une majorité d’élus issoiriens approuve l’exécution.
Le mouvement de déchristianisation s’amplifie. Les signes de royauté et de féodalité sont détruits.
Le 16 novembre 1793, Couthon (1755-1794, originaire d’Orcet dans le Puy-de-Dôme, proche de Robespierre et Saint-Just, fit voter la loi du 22 prairial instituant la Grande Terreur) se rend à Issoire le 16 novembre 1793 pour assister à la réunion de la Société populaire d’Issoire. À la suite de sa venue, l’ordre est donné de faire détruire tous les témoins cultuels. Les Sans-Culottes sont désignés pour faire disparaître tous les « monuments de la superstition » dans les « édifices consacrés à un culte ridicule ». Plus de deux cents statues de saints en bois sont brûlées à Issoire. Les édifices dédiés à Saint-Paul et à Saint-Avit sont démolis peu après.
Le 22 septembre 1793 débute « l’Ère des François ».
La semaine est remplacée par la décade, le dimanche par le décadi. Les marchés du samedi sont transférés au nonidi, neuvième jour de la décade. Ainsi, la foire de la Sainte Paule s’appellera la foire du 8 Pluviôse (27 puis 28 janvier). Dans sa volonté unificatrice la Convention met en place les grammes et les mètres. Cette œuvre d’homogénéisation passe aussi par l’école et la langue. En juin 1794, le français devient la langue de l’unité au détriment du patois encore largement parlé à Issoire.
Le 9 Thermidor (28 juillet 1794) marque la chute des Montagnards Issoiriens.
À partir de l’an IV (1795-1796) il ne reste que des traces éparses de la vie politique à Issoire. Issoire renforce son rôle administratif. Elle est déjà chef-lieu d’un district et d’un canton en 1790. Le 18 janvier 1799 (29 nivôse an VII) est créé le Tribunal de commerce dont le ressort dépasse les limites de l’ancien district rayonnant sur plus de 12 cantons. La Constitution de l’an VIII, en créant les arrondissements et les sous-préfectures, élargit l’ancien district aux cantons des Montagnes Occidentales, au-delà du ressort du Tribunal de commerce, jusqu’à La Tour d’Auvergne et Tauves. En 1800, Issoire devint chef-lieu d’arrondissement.
Source : Jacques Bourdin, Issoire et les Issoiriens dans la Révolution, Clermont-Ferrand, 1989
Le XIXe siècle
Le projet de construction de la Halle aux grains date de 1798–1804.
Il s’agit de construire un lieu couvert destiné à la vente des grains. La Halle est achevée en 1819.
Le 4 février 1803, le collège d’Issoire est fondé et installé dans les bâtiments de l’ancienne abbaye en 1811. Il devient l’un des plus importants centres d’études du département. En 1832, l’abbaye Saint-Austremoine est un des premiers édifices à être classé monument historique.
En 1855, l’arrivée de la ligne de chemin de fer entraîne l’édification de la gare. En 1896, l’actuelle mairie est construite. Tout d’abord le bâtiment est élevé dans la perspective d’abriter l’école communale des filles. Cependant, l’état de vétusté des locaux occupés par l’Hôtel-de-ville depuis la Révolution conduit à déplacer les services municipaux dans une partie de l’école.
Pendant le XIXe siècle et le début du XXe, Issoire est un gros bourg agricole qui connaît une activité commerciale grâce aux foires et marchés. Elle possède un important marché à céréales et les foires à bestiaux connaissent une grande affluence.
Le XXe siècle
Dès la première moitié du XXe siècle, Issoire développe une double vocation : être à la fois une ville de garnison et un centre industriel. Ces caractéristiques marquent la croissance séculaire de la ville. Le 23 décembre 1913, les premières unités du 16e régiment d’artillerie s’installent dans la ville.
Peu avant la première guerre mondiale, Wassmer Aviation s’implante sur la commune.
Dans les années trente, les établissements Ducellier élèvent leurs usines à Issoire, la production concerne alors uniquement les besoins de la Défense Nationale. En 1939, Forgeal (société pour le forgeage et l’estampage des alliages légers) et la Société Centrale des Alliages Légers (SCAL) s’établissent en banlieue.
Durant la seconde guerre mondiale, Issoire et ses environs deviennent un lieu de résistance à l’occupant nazi.
Jusqu’en 1942, le 8e régiment de dragons est installé dans la caserne qui est ensuite occupée par la Werhmacht jusqu’à la fin de la guerre.
Après la seconde guerre mondiale, la ville se transforme et connaît une évolution importante sur le plan économique. En parallèle, la fonction agricole de la ville décline.En 1947, la SCAL reprend son activité. A partir de 1957, c’est la Compagnie Générale de Duralumin et du Cuivre (CEGEDUR) qui en assure l’exploitation. Les établissements Ducellier développent l’appareillage électrique destiné à l’automobile.
L’implantation d’importantes industries a bouleversé le visage d’Issoire et provoqué une augmentation rapide de la population (8 541 habitants en 1954 et 14 778 en 1999). Cette mutation de la population conduit à une modification de la configuration de la ville. Le développement du tissu urbain se caractérise par la construction de lotissements HLM et s’accompagne de la mise en place d’équipements collectifs (piscine, complexes sportifs).
La Halle aux grains n’est plus utilisée en tant que telle et devient une salle polyvalente. En 1950, la partie nord de l’hôpital fait l’objet d’importants travaux d’agrandissement. L’hôpital est divisé en plusieurs services : médecine, chirurgie, maternité, maison de retraite, unités de vieillards valides et invalides.
Au début des années 1960 est mis en place un aérodrome réputé dans les milieux aéronautiques.
L’aérodrome issoirien bénéficie de conditions idéales permettant les records d’altitude pour les spécialistes du vol à voile.
La présence militaire se maintient toujours à Issoire avec la création au début des années 60 de l’École des Apprentis Techniciens de l’Armée de Terre (EATAT) qui prend par la suite l’appellation d'École d'Enseignement Technique de l'Armée de Terre (E.E.T.A.T.) puis d’École Nationale Technique des Sous-Officiers d’Active (ENTSOA). Dissoute en 1998, elle est immédiatement remplacée par le 28e régiment de transmissions, premier régiment de l’armée de terre française.
En 1974, des techniciens soviétiques commencent le montage pour Interforge d’une presse géante d’une puissance de 65 000 tonnes inaugurée en 1977.
Fortech (anciennement Forgeal) dispose également de quatre presses, la plus puissante étant de 20 000 tonnes.
Issoire s’affirme dès lors comme le leader européen et le second mondial dans la production des tôles de forte épaisseur destinées au marché aéronautique.
En 1978, Issoire Aviation succède à Wassmer Aviation.
L’entreprise réalise des pièces en sous-traitance pour l’industrie aéronautique et militaire et développe des matériaux de haute performance élaborés à partir de fibre de carbone. Bien que les établissements Ducellier arrêtent leur production en 1985, la ville d’Issoire sait s’adapter aux reconversions. En effet, la Société pour l’Équipement de Véhicule s’installe et fusionne en 1987 avec Valéo. La même année, Cégedur Pechiney devient Pechiney Rhenalu.
En 1995, Issoire Aviation se transforme en une filiale de Rex Composites. En 1997, l’entreprise Voxan s’implante à Issoire et lance la nouvelle moto française sur le marché. En 2000, Fortech se nomme désormais Fortech Aubert & Duval.
Issoire est devenue un site industriel réputé dans le secteur de l’aluminium et des équipementiers aéronautiques et automobiles. Ces atouts font d’elle la capitale économique du Val d’Allier.
En 1992, la création du Parc Technologique de Lavaur-La Béchade symbolise le dynamisme économique et technologique de la ville grâce au créneau des matériaux (aluminium) et des matériaux nouveaux (polymères et composites).
Parallèlement la cité de Saint-Austremoine affirme son identité culturelle avec la création du Centre d’Art Roman Georges Duby, du Festival d’Art Roman et la mise en valeur de son patrimoine historique et architectural. La Tour de l’Horloge, témoin de l’histoire de la ville, est ainsi reconvertie en site culturel et touristique évoquant la vie d’un issoirien au temps de la Renaissance.
On ne peut achever ce parcours historique sans mentionner le vieux dicton de la ville : '" Issoire : bon vin à boire, belles filles à voir. "